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Extrait ..... Deux voix
graves et masculines se firent entendre derrière elle. Elle les reconnut et un
frisson lui parcourut le dos. Adam et Emeric parlaient calmement mais sèchement.
Elle fit volte-face et se retrouva nez à nez avec eux. Adam l'observait d'un
air interrogateur : - Eh ! Charlotte, vous êtes partout ! Puis il regarda
son frère et ajouta : - Nous devrions partager une voiture avec elle. On
économiserait tous, tu en penses quoi ? - Oh ! Moi, partager une voiture avec
une belle demoiselle, ça me va. Vous voulez bien, Charlotte, on fait du
co-voiturage ? Emeric montrait de belles dents blanches identiques à celles
de son aîné. - Euh oui, si vous voulez, vous allez où ? bredouilla la jeune
femme en s'efforçant de ne pas montrer sa joie. - On vous déposera d'abord,
nous ne sommes pas hébergés dans Paris même, l'informa Adam. Il semblait
froid, bien plus que d'habitude et, même si Charlotte l'appréciait, il
ressemblait, pendant ce court instant, à un homme perturbé. Après une brève
hésitation, elle accepta de monter avec eux quand leur tour arriva. Une fois
leurs sacs déposés dans le coffre du taxi, ils prirent place sur la banquette
arrière. Charlotte qui se trouvait au milieu, entre les deux hommes à la carrure
très imposante, se sentait bien calée et se savait chanceuse. Elle semblait au
paradis et espérait que ce trajet ne s'arrête pas. Elle donna l'adresse de
son hôtel au chauffeur et le taxi démarra dans le plus grand silence. Personne
ne parlait et Charlotte, qui n'avait pas enlevé son manteau noir, eut rapidement
trop chaud. Au bout de quelques minutes, elle se résigna à le retirer et dut
gesticuler dans tous les sens pour se libérer du vêtement. Elle se sentait gênée
et s'excusa. Adam, à sa droite, regardait par la vitre et ne parut pas dérangé
plus que ça, ses yeux paraissaient vides et lointains. Emeric, à sa gauche,
contemplait les jambes de Charlotte qui collaient à son corps. Pour voyager, la
jeune femme avait décidé de laisser tomber ses jeans habituels et ses baskets,
pour sortir bottes, collants et robes. Elle avait bien choisi son moment pour
jouer la femme fatale, se dit-elle. La situation plaisait beaucoup au jeune
homme et il ne se cachait pas pour la regarder avec des yeux brillants de
gourmandise. Elle se retrouvait nue sous le regard ténébreux d'Emeric et elle
devait admettre que la situation lui plaisait. Tout à coup, Adam se pencha
en direction de son frère et lui fit un hochement de tête qui voulait dire
" maintenant, c'est bon. " Les frères fixèrent en même temps la jeune
femme. Elle remarqua que quelque chose de dur venait de se coller sur son côté
gauche. Elle baissa les yeux et vit la main Adam qui tenait une arme contre
elle. La panique la submergea et elle resta figée par la peur. Que se passait-il
? Elle avait senti que toute cette histoire ne tournait pas rond avec les deux
hommes avant de monter dans la voiture et elle aurait dû s'écouter. Elle
trouvait louche que cet homme distant vienne lui tenir compagnie et se mette à
s'intéresser à elle. Que lui voulaient-ils ? Qu'allaient-ils lui faire ?
Pourquoi elle ? Charlotte fixait le rétroviseur central du chauffeur en espérant
qu'avec son regard, elle arrive à lui montrer sa détresse afin qu'il lui vienne
en aide. Elle voulut crier mais aucun son ne se formait dans sa gorge. -
Charlotte, réponds à mes questions par oui ou par non, d'accord ? Je ne veux
rien entendre d'autre, ordonna Emeric. Il avait perdu son âme chaleureuse et
elle reconnut en lui la froideur de son frère. Il avait changé de visage et elle
espérait que ce soit un cauchemar et qu'elle finirait par se retrouver, les
cheveux en bataille, sur le siège de son train. Elle n'arrivait toujours pas à
parler et fit donc un " oui " de la tête. - Tu es venue accompagnée ? Le
jeune homme semblait un peu tendu tandis qu'Adam ne disait rien, tenant sans
bouger son revolver d'un air impassible. - Non, souffla Charlotte, la bouche
sèche. - Tu as une arme sur toi ou dans ta valise ? continua Emeric
tranquillement. - Quoi ? Non, non ! Je n'ai pas ça moi. La jeune vendeuse
en boulangerie n'avait jamais tenu un pistolet de sa vie. Les seules fois où
elle tirait, elle n'avait pas à appuyer sur la détente mais à actionner un
bouton de sa manette de jeu. Mais pourquoi posait-il cette question ? Tout ce
manège ne ressemblait pas aux interrogations que poserait un détraqué sexuel ou
un voleur. Elle n'y comprenait plus rien. - On est libre de faire le travail
que l'on veut, il faut nous laisser agir comme on le souhaite, tu as bien
compris ? Cette surveillance doit cesser, formula Emeric avec
conviction. Adam intervint à son tour, la mâchoire crispée : - Tu es en
mission depuis longtemps ? Charlotte voyait qu'elle était perdue et le
problème se trouvait là. Elle nageait dans un épais brouillard et se demandait
ce qu'elle pouvait dire afin de recouvrer sa liberté. - Je ne comprends rien,
laissez-moi partir et je n'en parlerai à personne. Je me présente là pour
rencontrer les créateurs de jeux. Adam, je vous l'ai dit, qu'attendez vous de
moi ? La jeune femme paniquait et les larmes lui brouillaient la vue. Elle
pensait que sa vie risquait de s'arrêter très prochainement. - Je ne sais pas
ce que vous voulez, j'ai peu d'argent sur moi, je n'ai rien fait de mal, je n'ai
jamais manqué de respect à quiconque. Cette fois-ci, Charlotte ne pouvait
plus se retenir de sangloter. Le chauffeur comprit que quelque chose se
tramait à l'arrière et demanda à la belle brune si tout se passait comme elle
voulait. Au moment où elle allait répondre, Adam pressa fort l'arme contre son
torse pour la lui rappeler à son bon souvenir. Charlotte se raidit et répondit
au chauffeur que tout allait bien. Le conducteur, pas très convaincu par la
réponse de sa cliente, devait avoir dépassé les cinquante ans et quand il scruta
le duo sur la banquette, il ne mit pas longtemps à choisir quel comportement
adopter. Il accepta les mots de la femme et décida de ne pas s'attirer des
problèmes. Charlotte se sentit perdue ; elle se voyait déjà morte et
abandonnée au coin d'une rue. Au bout d'un moment, elle se ressaisit et tenta
une dernière fois de saisir ce qui lui échappait : - Écoutez, commença-t-elle
en se tournant vers Adam, je ne comprends pas ce qu'il se passe. Moi, je suis
vendeuse en boulangerie, ça fait deux ans que je vous sers le matin et rien de
plus. Je suis là parce que j'ai gagné le concours. Je vois bien que vous me
prenez pour quelqu'un d'autre. Vous vous trompez. Je vis avec mon chat dans le
village où je suis née, voilà tout. Je peux vous montrer le mail qui précise les
modalités de mon séjour, je l'ai sur mon Smartphone. Elle espérait vraiment
qu'ils la laisseraient après avoir pris connaissance de la preuve qu'elle
possédait. Après une longue hésitation, Adam ouvrit la bouche : - À qui
pensez-vous faire croire cette histoire de jeux vidéo ? Vous n'avez pas le
profil d'un joueur. Savez-vous qui je suis ? Charlotte le dévisageait et ne
voyait pas où il voulait en venir : - Vous êtes Monsieur AUBRIAC, vous ne
vivez pas loin de chez moi et vous êtes menuisier. Vous passez chaque matin très
tôt pour nous prendre quatre pains et des viennoiseries de temps en temps. Je ne
connais rien de plus, je vous jure. Elle attendit une réaction de sa part en
le suppliant du regard. - On s'est leurré, dit-il. Elle ne correspond
pas… - Quoi ? C'est maintenant que tu le dis ? Je me doutais qu'elle n'avait
rien à voir avec tout ça et t'as pas voulu m'écouter. Emeric semblait agacé
et gesticulait dans tous les sens. - Montrez moi le mail, Charlotte, s'il
vous plaît, commanda gentiment Adam. Tout en ne quittant pas son frère du
regard, il éloigna quelque peu, le pistolet du buste de la vendeuse. Les
mains tremblantes, elle se pencha pour attraper son sac à main qui gisait à ses
pieds. Elle l'ouvrit et sortit son téléphone de sa pochette. Elle se redressa et
chercha dans son historique le courriel en question. Elle cliqua dessus et
tendit l'écran à l'aîné des deux frères. - Je vois bien que vous êtes une
femme chanceuse, conclut l'homme à la queue de cheval. À cet instant
l'avis de Charlotte différait de celui d'Adam. - Putain, comment t'as pu te
planter sur elle à ce point et ne pas m'écouter ? s'exclama Emeric. Il ne se
gênait pas pour montrer sa colère et rajouta : - Tu te fais vieux, mon frère,
je devrais gérer les missions à ta place. Pourquoi tu n'as pas vérifié cette
information avant ? On s'organise comment maintenant ? - Reste calme, la
situation est sous contrôle. Garde ton sang-froid et gère ton stress. Adam,
toujours impassible, ne montrait en effet, aucune nervosité. Il s'inclina vers
le chauffeur et lui demanda s'ils étaient bientôt arrivés à l'hôtel de
mademoiselle. Le chauffeur leur montra du doigt un gros bâtiment situé à cent
mètres sur leur droite. La fin du trajet s'annonçait. - Nous allons
l'accompagner à sa chambre, et nous aviserons sur place, décida Adam qui
semblait maîtriser cet imprévu. Il sortit de sa poche de quoi payer la
course. - Je range mon jouet, chuchota t-il en montrant du regard l'arme
qu'il pointait sur Charlotte. Je vous déconseille de tenter quoi que ce soit,
Mademoiselle. Tout se passera bien si vous restez sage. Vous me comprenez
? Elle fit un timide " oui " de la tête. La voiture s'immobilisa devant
l'entrée principale d'un bel hôtel de luxe. Les trois jeunes gens en
descendirent et récupérèrent leurs valises. Les deux garçons se placèrent de
chaque coté de la malchanceuse et ils avancèrent vers l'accueil pour prendre
possession de la chambre. Juste avant que leur tour n'arrive, Adam briefa la
jeune femme sur ce qu'elle devait dire ou ne pas dire. Elle se sentait piégée
par un vrai professionnel qui faisait ce genre de choses tous les jours. Comment
un menuisier pouvait-il gérer avec un tel aplomb cette histoire et surtout
posséder une arme ?
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