L'ENFANT DU FLEUVE
 
© Madeleine CHANGEUX-GILET
 
Extrait
 
Extrait 1
 
Le coeur battant la chamade, la tête à l’envers, Hélène reste longtemps derrière la porte qui s’est refermée entre elle et Vincent, partant déjà vers une autre vie.
Ce serait donc cela, l’amour ? Cette sensation à la fois agréable et douloureuse ? Ce fol espoir immédiatement anéanti ? Le sentiment que le secret du bonheur se trouve tout simplement au creux de l’épaule d’un garçon ?
Elle a la certitude que cette soirée, sans suite et sans réelle promesse, se devait d’avoir lieu, que tout a une raison de s’accomplir, et que ce beau jeune homme fait dorénavant partie de son histoire.
Elle verse quelques larmes avant de s’endormir puis pense à Mamille et se console en décidant de la place qu’elle va bien pouvoir donner à Vincent dans la malle de ses plus beaux souvenirs.
 
 
Extrait 2
 
La main dans la main, ils remontent à grands pas vers la jetée d’Eyrac.
Ils passent près du manège sur lequel tournent en musique quatre ou cinq bambins emmitouflés, puis descendent sur la plage après un bref arrêt devant la cabine téléphonique, le temps d’évoquer en silence leur amie Laurence. Nul besoin de paroles, ils savent l’un et l’autre qu’ils ne manqueront pas de revenir plus longuement se recueillir à cet endroit dans les jours qui viennent.
Ils marchent sur le sable humide, que la mer ne tardera pas à recouvrir de nouveau.
Soudain le soleil réussit une percée à travers les nuages. Le Bassin retrouve, l’espace de quelques secondes, son exceptionnelle luminosité. Puis aussitôt le vent s’accentue et le paysage retombe dans la grisaille de novembre.
Ils quittent la plage et le port pour se diriger vers le quartier de l’Aiguillon.
L’église Saint-Ferdinand, surmontée d’une statue du Sacré-Cœur, semble leur tendre les bras. Tout près se situe la maisonnette de leurs amis.
Jean-Yves se précipite déjà pour leur ouvrir la porte.
 - Comme je suis heureux de vous revoir ! En cette période où nous aurions bien besoin de l’éclat du soleil, sois la bienvenue à Arcachon ma petite Hélène ! Grâce à toi, demain il fera beau !
- Laisse-les donc entrer ! Avec ce froid, tu aurais pu t’arranger pour aller les chercher en voiture tout de même ! Je sais qu’ils aiment marcher, mais ce soir après le dîner il ne sera pas question qu’ils repartent à pied !
Comme chaque fois, Hélène et Julien savourent ces moments de retrouvailles. C’est si bon de ressentir à ce point la chaleur et la force de l’amitié !
lle prit une lampe torche dans le tiroir du buffet de la cuisine et se dirigea, tremblante, vers ce qu'elle avait surnommé dès l'enfance " la crypte du secret ".
Tandis qu'elle montait l'escalier d'un pas hésitant, elle était tout à la fois excitée, comme une enfant sur le point de braver un interdit, et inquiète de ce qu'elle risquait de découvrir.
La crypte n'était pas moins que la pièce où son grand-père avait trouvé la mort, et cette pièce avait été condamnée par sa grand-mère depuis lors.
Que de fois n'était-elle pas passée, petite fille, devant cette porte close qui l'aimantait. Ainsi avait-elle à maintes reprises glissé son œil à l'endroit de l'ancienne serrure, sentant un souffle d'air froid sur sa conjonctive : rien que l'opacité de l'obscurité de l'autre côté.
La curiosité la rongeait.
Elle n'avait pas connu sa grand-mère, et sa mère, Isabelle, d'un naturel renfermé, s'était toujours refusée à lui livrer la vérité. Elle s'était contentée de lui dire que son grand-père s'était éteint dans cette pièce, où il aimait lire, travailler et écrire, et que sa mère, Hélène, très peinée par la fin brutale de son mari en avait condamné l'accès après son décès. Isabelle n'avait alors que trois ans : quel souvenir avait-elle pu conserver de son père ? Comment avait-elle vécu cette perte si précoce ? Sans doute avait-elle, elle-même, souffert du mystère qui l'entourait… Mais pourquoi, n'avait-elle jamais consenti à ouvrir cette porte ? Même après la disparition de sa propre mère ! Peut-être la peur avait-elle  été plus forte que le besoin de savoir…
 
 
Extrait 2 (sur la 4ème de couverture)
 
 " Que de fois Jacques Cuvillier n'avait-il dû se perdre dans la contemplation de cette structure noueuse et torturée, choisissant peut-être inconsciemment à laquelle des poutres il lierait un jour son destin. Elle imagina soudain le corps ballant de son ancêtre au bout du nœud coulant et détourna avec horreur son regard du spectre qu'elle venait de rappeler par la force de son esprit.
Brigitte s'approcha alors le cœur battant du bureau situé sous l'armature de bois et, chassant l'image des pieds se propulsant violemment de la table vers le néant, se  mit à explorer nerveusement les nombreux tiroirs, vides.
Elle allait abandonner ses recherches lorsque ses doigts heurtèrent une tirette au fond de l'un d'eux. Intriguée, elle poussa celle-ci et découvrit une sorte de compartiment secret où reposaient des documents, enfouis là, depuis une éternité.
Elle les extirpa avec précaution de leur cachette et quitta la pièce en les serrant contre elle, en quête de lumière… " 
 
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