CANNES BLANCHES ET LUNETTES NOIRES
 
© Jean-François JABAUDON
 
Préface
 
 
La Sphinx : gardienne de l'énigme et propagatrice de la peste, son nom fait trembler…
Le Destin : sentez-vous son poids redoutable, à seulement l'évoquer ?
Mais que vient faire Tom Bloche dans ce monde inhu-main ? Inhumain… ou terriblement humain ? Notre détec-tive annecien se trouve projeté dans un monde où œuvrent les forces du mal. Un monde issu tout droit des images terri-fiantes de la mythologie. Serait-il possible que ce monde-là soit aussi le nôtre ?
L'auteur ne mâche pas ses mots - ni son humour - la mé-taphore est claire : s'appeler Alain Ceste et affronter la Sphinx est une véritable gageure : pari tenu. Organisation née d'une créativité démoniaque, la Sphinx utilise le handi-cap de ses membres pour asseoir sa puissance : celle de l'argent par le commerce du sexe. Elle ne recule devant rien, sa violence et sa perversion sont sans limites. Alors quelle chance aura Alain Ceste, jeune garçon ballotté par le sort comme il a été ballotté par les eaux, innocent, quand il se retrouvera, en pleine quête identitaire, dans les mailles du filet ?
Comment ne pas répondre à la violence par la violence, face à un tel déchaînement de perversion ? Face à son incroyable histoire qu'il découvre et un destin qui l'accable ?
Ainsi, donc, va la métaphore : comment construire son identité, trouver sa voie, sa place dans un monde perverti par la puissance de l'argent ? Comment l'individu peut-il évoluer alors qu'il est condamné d'avance parce qu'aveugle et trompé, utilisé ou rejeté par le système ?
Ironie du sort ? Les plus aveugles ne sont peut-être pas ceux que l'on croit…
Tom Bloche, dans cette seconde aventure, reste égal à lui-même : la valeur de l'individu ne se mesure pas en monnaie. Le profit n'est pas son moteur. Il combat ce système pervers avec sa nature à lui, l'autre nature, celle qu'il ressent, qui l'habite et qu'il habite, mais aussi celle qu'il regarde, qu'il ne se lasse pas de regarder, qu'il aime. Aussi les autres, il les aime. Il est comme ça, Tom Bloche, sans avoir l'air de rien, avec Rustine qui le conduit dans ces paysages savoyards si bien en phase avec les mots qui les décrivent (à moins que ce ne soit l'inverse, allez savoir) ; Rustine, sa propre force, son énergie.
S'écouter sentir, s'arrêter au bord de la route pour sur-prendre un détail, une broutille ; écouter l'autre, avec son cœur, son sentiment… C'est la force de Tom Bloche, qui va aider son ami Alain. Oui, aider, vraiment aider. Parce qu'il ne fera rien à sa place, il laissera à Alain ce qu'il y a de plus précieux - mais aussi de plus difficile - : le choix.
Ce livre est un livre d'images, dans le sens fort de ce terme. L'auteur nous emmène, il faut se laisser prendre, sur-prendre par les mots-images. Nous sommes Tom Bloche ; nous voyons et ressentons ce qu'il voit et ressent ; nous sommes avec lui dans les rues d'Annecy ; nous sentons la douceur du feutre lorsqu'il passe son doigt sur son chapeau. Nous sommes Rustine sur les routes du lac, dans la lumière changeante, et avec elle nous éprouvons la beauté des paysages.
Pas seulement : sous les mots joueurs de l'auteur, derrière eux, se dressent d'autres images. Celles qui parlent à chacun depuis que l'homme raconte des histoires, ses histoires. La Sphinx, Œdipe-roi… Mais ici l'auteur force le trait, se joue de ces destins mythiques : il les détricote et les tricote à sa manière, dans un jeu où la sensibilité, le sentiment et le trait d'humour s'unissent, pour que l'amour - enfin ! - triomphe de l'horreur.